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La cuisine chinoise est connue du monde depuis bien longtemps, mais les pays civilisés l’avaient mal comprise. Surtout les Occidentaux qui lui donnaient un sens mystérieux parce qu’ils avaient entendu dire que les Chinois mangeaient des aliments qu’eux, Occidentaux, ne servaient jamais à leur table. Cette cuisine était devenue [un] peu légendaire et mystique. Par exemple, on parlait des œufs pourris datant de cent ans.

La cuisine chinoise eut la vogue en deux périodes la première sous la dynastie des Mandchous, lorsque le premier ministre Li Hong Tchang alla visiter les États unis en 1895. Ce ministre allait souvent dîner dans les restaurants chinois au quartier chinois de New York. Cela attira de la bourgeoisie américaine qui alla goûter la cuisine chinoise par curiosité. Les restaurants chinois profitèrent de cette occasion pour lancer un plat qu’ils nommèrent Li Hong Tchang chop suey. De plus en plus la cuisine devint populaire jusqu’à nos jours. On peut dire qu’il y a peu d’américains qui n’aient pas goûté à la cuisine chinoise, surtout à New York. Dans cette seule ville il y a environ 700 restaurants chinois.

La deuxième période c’est la dernière guerre mondiale. La fameuse cuisine chinoise pénétra en Europe surtout par la capitale de la France. Avant la dernière guerre, Paris n’avait que 4 restaurants chinois, uniquement au quartier Latin. Les clients étaient des étudiants chinois, et la colonie chinoise, quelques connaisseurs européens. Les temps ont changé. Il y a maintenant à Paris, au moins une quarantaine de restaurants chinois. N’y vont que les Français et les européens, mais plus d’étudiants chinois, à cause de leur maigre bourse.

Pour faire une bonne cuisine chinoise ; Il y a trois principes : le goût, la couleur, et le parfum. Ce n’est pas seulement la cuisine chinoise qui a ces trois principes, mais toutes les cuisines de monde. J’aurais cru que la bonne cuisine ça plaît à tout le monde. C’est une erreur. À la vérité, il y a très peu de gens à savoir manger et à être gastronomes. Ce n’est pas seulement chez les Chinois, mais également dans les pays civilisés. Pour une bonne table il n’y a pas seulement les trois principes mais la composition est au-dessus de tout, par exemple tel plat pour le début avec du vin et, tel plat pour la fin quand on prendre du riz. C’est pour cela que je dis la composition avant tout.

Les Occidentaux se trompent en pensant les Chinois boivent du thé en mangeant. Chez nous « dans ma province » on ne sert jamais de thé à table. Il y a une autre tradition chinoise lorsqu’on prend du riz on doit s’arrêter de boire l’alcool on dit que manger du riz et en même temps boire de l’alcool cela provoque des fermentations dans l’estomac. Cette tradition existe dans toutes les provinces de la Chine. Je trouve cette tradition absolument absurde.

Les Occidentaux prennent la soupe au début du repas, les Chinois prennent à la fin. Cette différence vient de ce que le Chinois ne boit pas en mangeant, il prend donc le bouillon à la fin.

En général, on sait que les Chinois ne mangent que du riz [et de] la viande de porc. Mais dans certaines provinces de la Chine du nord, les Chinois ne mange que des pâtes et du mouton comme principale nourriture. Le fameux spaghetti italien, puisque Marco Polo alla visiter Pékin à la fin du 12ème siècle il se pourrait que l’origine de ce spaghetti soit Pékinoise ou bien que ce soit Marco Polo qui l’ait apporté aux Pékinois !

Les musulmans chinois ne mangent pas de porc ni de mouton, dans ma province seulement ils mangent le bœuf qui est tué par leur mosquée non pas le bœuf qui se vend au commun.

Le repas familial comporte en général, quatre ou cinq plats différents de viande de porc, de poisson et de légume. Les Chinois aiment manger de la viande salée ou fumes et aussi les volailles fumes, toujours en soupe à la fin. Au dehors de ces plats il y a quelques petites assiettes de légumes salés ou pimentés et du fromage de soja etc. Les plats doivent être sur la table en même temps, pas d’alcool aux deux repas, sauf les jours de fêtes à la fin du repas on prend du thé à volonté. Dans ma province, on servait deux repas quotidiens à la viande ceci plutôt chez les riches quant à la classe moyenne elle mangeait deux fois de la viande par mois. Le pauvre ne se nourrissait que de riz et de légumes. Pour l’ouvrier, le patron lui donnait chaque jour deux repas on ne lui servait de la viande et de l’alcool que deux fois par mois le 2 et le 16 du mois. Seulement pour le dîner. Cela s’appelait « sacrifier aux dents » la viande et l’alcool étaient servis presque à volonté.

Autrefois quand on invitait des amis ou des parents à la maison, d’abord on leur envoyait la carte d’invitation une semaine d’avance. Chaque année il y avait plusieurs invitations traditionnelles la première c’était au début du printemps cela s’appelait « Le vin du printemps ». En général il y avait une dizaine de tables, chaque table à huit places et de forme carré. Depuis la révolution en 1911, cette coutume est toujours suivie. Les invites et les invitées sont séparés de table et même de salle. D’ailleurs les femmes de la maison sont presque invisibles même la propre femme.

Chaque table doit avoir huit petits plats qui se composaient de viande et de volaille surtout de porc fume. Tous les plats sont froids ; parmi ces plats il y a le mystérieux œuf qui pourrit de cent ans et la poule à la salade et la côtelette fritte etc. Ces petits plats sont servis comme hors-d’œuvre.

Les hors-d’œuvre terminés on commence les grands plats. Le premier c’est les Holothuries ; puis le poisson (carpe) et les différents plats de viande de porc jamais de bœuf ni le mouton et la volaille poule ou canard qui sont cuits à la vapeur. Tous les plats sont chauds et sont servis dans de grands bols comme des saladiers sauf le carpe qui doit se mettre dans une assiette de forme long selon la longue du poisson. Parmi ces plats il y a un plat sucré. Quand on commence à prendre le riz, il y a quand plats pour aider à manger le riz. Le canard et le jambonneau sont à la soupe. C’est l’invitation annuelle.

Lorsque l’on invitait un personnage important c’est que les autres invités sont là uniquement pour accompagner ce personnage. On ne l’invite jamais seul. Les invites, en tous de huit à dix jamais dépassé cette limite ni moins.

La table est plus abondante que pour l’invitation annuelle. Les hors-d’œuvre en 16 petites assiettes, quatre sont parmi les fruits différents de la saison. Vous voyez le Chinois manger les fruits avant le repas. Le plat le plus important c’est l’aileron de requin en honneur de son hôte. Pendant ces grands repas on sert le fameux canard laqué de Pékin. Cette table comporte 16 grands plats.

Si on invite un haut fonctionnaire ou la maire de la ville, c’est plat ci ne conviennent pas à ce personnage. Il leur fallait un grand festin, avec le cochon de lait. Évidemment les autres plats sont plus nombreux et plus riches encore que sur toutes les tables.

Dans cette invitation il y a trois catégories : la première le cochon de lait. La deuxième : l’aileron de requin. La troisième, Holothurie.

Les Chinois et la tenue à table

Tous les plats dont je parle dans ce livre on peut manger à la manière chinois ou européenne indifféremment, à la manière chinoise il serait très difficile à manger proprement même si on tenait bien ses baguettes, mais il y a des règles sur la tenue à la table, comme chez les Occidentaux. Quand un Chinois mange correctement il ne doit pas tomber un grain de riz sur l’assiette ou la table ni rester un grain de riz dans le bol à la fin du repas. C’est comme peu en France ou on ne doit pas laisser de pain sur la table. En prenant les aliments dans le plat commun, on ne doit pas fouiller dans la nourriture ni en faire tomber en se servant.

Chez nous, se tenir à la table, on l’apprend dans la famille pendant l’enfance. Si l’enfant laisse du riz dans son bol quand il a fini son repas, les parents le grondent ou le menacent en disant « quand tu seras grand, tu auras une fiancée pleine de boutons sur sa figure comme le riz qui reste dans ton bol ».

La colonie chinoise de Paris, je sais, hélas qu’ils se tiennent tellement mal à la table qu’une dame chinoise m’a dit, quelle horreur, les Chinois dans la plupart des restaurants chinois mangent comme des c... Les Occidentaux souvent imitent cet exemple, je ne sais pas c’est pour se moquer des Chinois ou parce qu’ils croient qu’on doit manger de cette façon ? c’est pour cela que je vous conseille de manger plutôt à la manière européenne, plutôt que de tenir les baguettes : ce serait une catastrophe sur la table et cela [ne] serait pas très agréable pour la maîtresse de maison.

Pour manger la cuisine chinoise chez vous que ce soit en famille ou avec vos invités, je vous propose des plats faciles à faire et surtout économiques, aussi agréables pour vos enfants que pour vos invités, à la place d’ennuyeux plat par exemple ; de rôti de veau.

Dans les plats chinois on ne doit absolument pas se servir de sauce seulement. Car la sauce est la partie riche du plat et lui donne le goût, la couleur et le parfum. Si on prend la sauce seule, le reste du plat a perdu sa valeur. Souvent j’ai vu un asiatique ou un Occidental mangeait au restaurant chinois dire « Oh, la sauce est bonne » et le plat ils ne l’ont même pas gouté. Pour qui a préparé un bon repas cela est fort désagréable.

L’aileron de requin

Le plat le plus étonnant est celui de l’aileron de requin. Je me demande comment les Chinois ont découvert ce plus extraordinaire. Le requin est l’animal le plus féroce de la mer et un mangeur d’homme. Pourquoi le Chinois ne mange-t-il que l’aileron de requin parmi tous les poissons de mer ? Est-ce que l’aileron de requin soit meilleur que tous les poissons de la mer ? Qui a découvert ? Et quand ? Y a-t-il longtemps qu’existe de ce fameux plat ? Je n’ai pas de document en main et n’ai pu avoir de renseignement auprès de Chinois résidant en France et ailleurs sur ce problème. Dans la Chine d’après la révolution chinoise ceux qui sont nés sous la dynastie mandchoue sont trop vieux et il en reste peu en vie. Ceux qui sont nés après la révolution sont jeunes, modernisés et doivent l’ignorer. Je suppose que cette découverte doit se placer sous la dynastie mandchoue. Dans le plus célèbre roman chinois « Le rêve du pavillon rouge » paru au XVII siècle, on parle de l’une des plus grandes et plus nobles familles de cette époque et on y détaille toutes les nourritures connues alors. On [n’]y cite ni l’aileron de requin ni les Holothuries. Par contre on mentionne le nid d’hirondelle. Ce livre a été réédité et remanié au XVIII siècle. On y voit alors l’aileron de requin. Ce plat aurait donc fait son apparition il y a deux cent ans ?

Le nid d’hirondelle

Que les Chinois mangent le nid d’hirondelle est plus compréhensible que l’aileron de requin. L’hirondelle de mer pour faire son nid ne trouve pas de feuille ni de brindilles de plantes dans les iles dénudées qu’elle habite. Elle se tire ses propres plumes et les colles avec salive pour faire son nid.

Les Chinois croient que la salive d’hirondelle est riche et fortifiée en principe pour prolonger la vie et avoir la bonne santé. On la sert dans les grands festins parce qu’elle est très couteuse. Mais on la mangeait pour l’avoir longévité. Je me rappelle, dans ma jeunesse avoir vu mon père prendre de ce fameux aliment tous les soirs avant de se coucher lui dut-il sa bonne santé ? Après avoir fumé l’opium toute sa vie, mon père vécut jusqu’à l’âge de 75 ans.

Le canard laqué de Pékin

Dans les grands festins on servait le canard laqué de Pékin. Ce plat est en effet une spécialité de Pékin bien qu’on le fît aussi bien dans les autres provinces de Chine.

Ce canard est celui que les paysans élèvent spécialement à cet usage et non le canard commun que l’on achète au marché. On le nourrit que seulement de patée et on le gave quelques mois au bout desquels il atteint le poids de 3 à 4 kilos.

A New York j’ai vu vendre des canards assez grands mais jamais assez gras pour faire un bon laqué. On m’a dit que l’espèce avait été importée de Chine. En France, je n’en ai jamais vu ce genre de canard.

Le canard laqué se présente à table découpé en petites tranches qui sont rassemblées pour reconstituer à l’œil des invités l’apparence du canard tout entier. On prend les morceaux que l’on trempe dans une sauce épaisse, légèrement salée et sucrée et on les mange avec de petits pains cuits à la vapeur.

Le bœuf

Les Chinois mangeaient très peu de bœuf mais pas pour la même cause qu’au Indes où il est un animal sacré. En Chine, autrefois on ne tuait pas le bœuf car il travaillait aux champs. Une loi protégeait l’animal qui travaillait pour nous et nous nourrissant, c’était la récompense que lui accordait l’esprit et justice des chinois.

Après la révolution cette loi a été supprimée mais les Chinois mangent toujours très peu de bœuf pour plusieurs raisons D’abord la femme chinoise est presque toute religieuse, que ce soit bouddhiste ou taoïste. D’autre part on ne sert pas de bœuf dans la bourgeoisie, la viande de bœuf passe pour trop grossière et semble ne pas convenir à la finesse de la cuisine chinoise. D’ailleurs on ne sert jamais la viande de bœuf dans repas officiel. Cette viande plutôt dans la classe inférieure que l’on la mange, à cause de son bas prix.

Les œufs conservés de Pékin

Les Français les appelaient œuf pourrir datant de cent ans, surnom résultant d’une somme d’idées imaginaires sur ce fameux œuf conservé à Pékin. Les Pékinois lui ont donné son nom.

Sa préparation est bien curieuse, après une préparation d’environ un mois, le blanc d’œuf devient dur, de couleur marron et transparent, on peut voir l’images de pans, et le jaune d’œuf devient d’une couleur grise et verte foncée et quelquefois le jaune d’œuf reste inchangé sa couleur nature. Le meilleur moment pour le consommer est après deux ou trois mois, si on le conserve plus d’une année, il ne sera plus bon à manger car avec le temps il se sera séché et devenu sur.

Pour la préparation, il y a deux façons de faire : l’une avec une pite, l’autre dans de l’eau contenant des produits.

Le chef

Je me rappelle avoir vu, dans ma jeunesse, mon père inviter des amis à la maison. Au moment de servir le grand plat, l’aileron de requin, le chef cuisinier pénétrait dans la salle en cachant dernière un paravent. De là sans être vu, il pouvait écouter les invités et entendre apprécier son chef d’œuvre. S’il trouvait qu’ils n’admiraient pas assez il se fâchait et disait « Ce sont des bouffeurs ». Il ordonnait alors son sous-chef de faire les autres plats suite.

Les gastronomes

Quand je suis allé visiter New York, j’ai trouvé la cuisine américaine pas trop fameuse, même dans les restaurant étrangers. La cuisine italienne, la cuisine française y sont déformés et ce n’est pas la même que dans les pays d’origines. Par contre la cuisine chinoise y reste dans sa tradition, surtout dans les quartiers chinois.

J’avais invité des amis qui étaient contents de ce que j’avais cuisiné pour eux. Ils m’invitèrent chez eux leur cuisine était mal faite, parce qu’ils [ne] savaient pas la faire, mais ils sont mangés avec appétit.

Vous voyez qu’il faut être doté d’une belle tradition gastronomique pour connaître une bonne table.

En Europe cette tradition existe mais hélas la jeune génération semble l’avoir perdue. Les Chinois connaissaient aussi autrefois la bonne cuisine, comme les Français. Mais leurs connaisseurs étaient plutôt les mandarins et les riches, tandis que le peuple s’y connaissait beaucoup moins qu’en France ne pouvant manger de la viande que quelques rares fois, et encore devenir gastronomes.

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